D'Agata, Bacon photographe (Le Bal, Paris 18eme)
Bacon marseillais, Bacon photographe, Bacon réssucité, c'est un peu cela aussi Antoine d'Agata. Le Bal, galerie de la place de Clichy (6, impasse de la Défense, 75018) propose jusqu'au mois d'Avril, une exposition-installation remarquable des clichés du photographe. Sous la direction de Fannie Escoulen et Bernard Marcadé, l'expo offre "les images rescapées" de d'Agata au public parisien.
Le début de l'expo diffuse des textes lus par des femmes crucifiées par la vie, femmes de rencontre et d'expression de d'Agata. Des vies extrêmes se font comprendre et par là-même, annonce le travail du photographe. "Ici, on enterre les morts et on baise les vivants". Il faut bien écouter ce qui se dit. Le texte est beau, très beau et les voix aussi. Voix de femmes vivantes et maltraitées. Voix de la vie qui maltraite souvent et aime un peu. Et la diffusion ingénieuse de photocopies des textes ou des photos de d'Agata renforce le sentiment que tout nous concerne tous, que tout est multidiffusable et que nous ne pouvons y échapper. Il y a une profondeur indéniable dans cette première installation.
Il faut alors descendre au sous-sol pour voir les photos de l'artiste. Il y a du Francis Bacon chez cet artiste et la salle toute entière en est la preuve. Les cris, les distorsions corporelles, la baise, les chairs à vif, les culs, l'utilisation de photos professionnelles( de la police pour d'Agata, les photos d'histoire ou de Muybridge chez Bacon), l'influence du génial anglais hurle en sous-sol. D'agata réussi ainsi à manier son appareil comme une brosse. Avec beaucoup de talent. Il fixe et râpe. Il fixe et ferme les yeux. Il pleure et sourit.
Il ne juge jamais et ne démontre rien. Il absorbe, consomme et analyse. C'est plus subtil. Mais il peut alors se prendre les pieds dans sa facilité formelle. Il a une grâce réelle et il le sait le bougre. Mais contrairement à Francis Bacon, D'Agata semble parfois souffrir de ce qui fait aussi sa qualité : il n'a aucun message. Il est représentation mais d'une représentation un peu trop muette qui peut nous laisser sur notre faim. Certes la démarche politique permanente pratiquée par beaucoup d'artistes est devenue insupportable, car tout ne nécéssite pas un engagement total sauf à se regarder le faire. Mais là, dans le cas de d'Agata, le fond de son travail est si vaste, si ancrée dans les fondements même de l'existence qu'il pouvait, finalement, peut-être en dire un peu plus.
Si vous avez loupé Bacon à Beaubourg il y a dix ans, courrez voir Antoine d'Agata. Il s'agit d'une belle expo et laissez-vous absorber par les voix des belles endormies. Les textes sont beaux, les photos sont belles et le lieu plein de promesses. Quant à la vie... Pas évident, manifestement.
Bises
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