(Call girl / Call clik 3) "C'est déjà ça!"
Sonya, ma call girl vient de me permettre de tutoyer les anges. Je la laisse pour aller retrouver Nico à l’autre bout de Paname. Bye bye ce 7ème arrondissement, trop cher, trop lisse. Deux lignes de métro plus tard et après une vingtaine de stations visitées, j’arrive à Belleville.
En 35 minutes à peine, je remplace les asiatiques du 7ème,, appareils photos et guides en poche, pour ceux au nord de République qui, ici, vivent leur histoire loin de leur continent à eux. L’avenue est saturée par les camions de livraisons aux portes taguées du nom de leurs instigateurs. Au milieu de cette belle ville, flânent ces dames qu’on appelle « les marcheuses ». Au premier regard, elles pourraient nous faire penser à ces petites bourgeoises fanées du 16ème qui se retrouvent l’après midi pour papauter et ragoter sur les uns et surtout sur les autres. En noir généralement, vêtues d’un grand manteau avec un sac de marque à la main et une jupe droite. Le corps est chétif, surplombé d’un regard lassé, vide, triste. Elles attendent toujours et encore, peu importe les saisons, en marchant. Avec une obligation : rembourser au plus vite la personne qui leur a permis de venir en France. Dur et impensable labeur pour quelqu’un qui pensait reconstruire sa vie. Non, ici elles ne reconstruisent rien, elles se tuent à petit feu.
Mais en mode asiatique.
Sans sourciller, le regard fier, ne jamais perdre la face, non jamais, surtout ne pas perdre la face. Elles sont nombreuses, se connaissent toutes. On les appelle aussi les« Dongbei », du nom de cette région de l’extrême nord-ouest de la Chine, et attendent qu’un homme vienne leur donner quelques dizaines d’euros contre une partie fine – oui car ici ces femmes ne prennent que quelques dizaines d’euros pour la passe, loin des tarifs de Sonya-. Pour ne pas être accusé de racolage par la police, les femmes marchent entre Colonel Fabien, Belleville et quelques rues alentour, voilà pourquoi on les appelle « les marcheuses ». Elles marchent, marchent et marchent encore toute la journée. Une marche ahurissante pour la délivrance dont personne ne sait lorsqu’elle arrivera …
Ma délivrance, ou mon exutoire plus précisément, se situe dans la rue Jean Pierre Timbaud. Je prends à gauche et arrive vite devant l’immeuble de Nico. Depuis 4 ans le code n’a toujours pas changé « 42B12 », trois étages à monter et enfin je vais pouvoir partager et raconter mon aventure avec Sonya.
- Hey, Ca va ? La livraison arrive dans 5 minutes.
- Prêt à faire le tour du cadran alors ? Moi, je viens de voir Sonya. Tu sais l’Ukrainienne dont je t’avais parlé y’a quelques mois.
- Elle est revenue sur Paris ?
- Apparemment pas assez de taff dans les autres villes et à Paris elle est certaine de faire plusieurs clients dans la journée. Mais elle en fait pas plus que 5, voire 6, tu comprends, quand même après c’est fatiguant.
- …(regard interrogatif) – un téléphone vibre – Ah, JB est en bas. T’aurais 35 e ? Ca ne te dérange pas d’y aller.
- Putain, toujours le même, tu ne prends aucun risque. Sinon faudrait falloir penser à créer un fonds spécial pour la défonce des trentenaires parisiens. Ces week end me coutent trop cher.
- Parles en à Anne Hidalgo. Avec une telle mesure, elle sera assurée d’être élue l’année prochaine.
L’idée me traverse l’esprit mais je doute de pouvoir trouver l’argumentaire implacable pour cette nouvelle promesse électorale qui n’existera jamais tant que tout Paris ne se défoncera pas la gueule -remarque, si les dealers continuent à aussi bien bosser peut être que pour les municipales de 2020 ce sera la mesure phare de la campagne-. Je reviens avec la petite dose, bien emballée. « Putain, il a insisté pour augmenter le tarif de 10 balles. Tu sais pourquoi ? Quelle raison il a sorti le commercial en Vespa et au trésor cellophané au milieu des couilles ? ». Casque sur la tête, main dans l’entrejambe pour récupérer sa cargaison : - Je sais d’avance ce qu’il va me dire car c’est toujours la même raison bidon « Ba ouais 10 euros parce qu’avec vous qui voulez être livré en quelques minutes de la porte de Saint Cloud à Vincennes, je prends des prunes à tout bout de champ avec ces foutus radars – j’évite de lui demander comment il fait pour les points -. Et avec les flics qui nous mènent la guerre, faut renforcer nos postes stratégiques pour pas être chopés. Ca, ca se paye. Ouais mec » m’a t-il affirmé en me faisant un gros clin d’œil avec son cure dent dans l’angle gauche de sa bouche. « Mais t’inquiète, de toute manière les flic, ils s’en foutent de nous. On est trop petits et dans cette ville, y’en a tellement qui sont plus gros et organisés que nous ! Et bon les clients, ah vous etes trop nombreux à Paris ! ».
C'est Paris qui vit. C'est Paris qui bouge. Le cadavre n'est pas mort. Il bouge encore. Mieux, il danse...
Je m’apprête à danser la gigue mais ce que nous avons recu est si petit que je me demande encore comment il va nous faire tenir toute la nuit à Paris.
Impatient, crépitant, bouillonnant, Nico me tend un CD vers lequel je vais pouvoir exercer mes talents géométriques.
Garder le parallélisme, surtout que jamais elles ne se croisent...
Bises (à suivre...)
A découvrir aussi
- Call girl, call click : Début de soirée "Taxi Girl"
- BLUE HOTEL (Call girl / Call clik 7)
- Looking for Crapul (Call Girl / Call Click 8)
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 14 autres membres